dans la série des jeux littéraires : un nom à coucher dehors

homophonopronominalisation

Voilà quelques années, j’avais suggéré à quelques camarades un petit jeu que j’appelais l’homophonopronominalisation. Force est de constater qu’il n’a connu aucun succès…

Voici quel en était le principe. Choisissez deux mots, ou deux groupes de mots, homophones. Inventez une phrase dans laquelle le premier de ces deux mots sera repris par un pronom qui (et c’est là toute la beauté de la chose !) représentera l’homophone du premier. Comment, ce n’est pas clair ? Travaux pratiques.

"Désormais, ce fan déçu jaunit à l’idée de l’écouter à nouveau."

Dans cette phrase, le pronom l’ représente Johnny Hallyday, non jaunit à l’idée (évidemment). L’avantage de la formule est évident : en notre époque toujours pressée, nul gain de temps n’est méprisable ; comme tout pronom, celui-ci évite une répétition malsonnante ; l’esprit du lecteur est en alerte, ce qui est le but de tout écrivain ; et le bonheur de l’approximation est un régal pour le connaisseur…

Quelques exemples devraient stimuler les lecteurs d’Anacoluthe - qui constateront du reste que l’exercice est des plus simple.

Que cet enfant barba papa en lui en réclamant à cor et à cris !

« Je vois bien le cul, mais où est le bec ? » se demandait un lecteur du dernier roman de ce dernier.

« Tau, iota » épelait le jeune helléniste avant de monter dans celle de son papa.

Emmanuel Bove a ri quand il l’a lue. (Évitez "a bien ri", plus expressif mais qui fonctionne nettement moins bien)

J’ai pris le car à Melbourne en en suçotant un. (Les puristes rejetteront ce type d’exemple, qui suppose que l’on se débarrasse de "bourne". Mais s’il existe quelque part un bled nommé "Melmou", plus de problème.)

« Vous partez, non ? » demandait inquiet un Hellène à Lord Elgin, qui venait de le piller.

« J’invite à se taire Ickx quand je suis plongée dans l’un d’eux » (me dit un jour la femme du célèbre coureur).

Dans le plus simple appareil, Dante erre à la recherche du sien.

Le pacifiste gêné râle d’avoir à le saluer.

Sous prétexte que je n’emprunte pas le trajet dit, v’là que tu m’en fais une !

On l’a félicitée pour ses petits roberts ; elle y chercha le sens du compliment.

Quand l’atoll est rance, Greenpeace met des bornes à la sienne.

Etc.

On corsera légèrement l’exercice en commençant par le pronom :

En humant la sienne, Grand-Père se plaisait à lire des sous-polars.

À dire vrai, je ne suis pas certain que cette succession de calembours navrants soit de nature à donner un avenir à ce jeu, de surcroît handicapé de naissance par un nom à coucher dehors, que j’écris donc ici pour la dernière fois : homophonopronominalisation

Jean-Louis BAILLY